ACCOUCHE ET TAIS TOI !
ACCOUCHE ET TAIS TOI ! « Non mais arrêtez de crier comme une truie, même les cochons ne crient pas comme ça quand ils accouchent » Voilà ce qu’un gynéco a eu le culot de sortir à une de mes patientes qui était en train de pousser son bébé, on ne peut plus normalement, sans péridurale (souhaité, préparé, et dans tous les cas, arrivée à une dilatation trop avancée pour la poser), il y a quelques jours à peine. Je vous passe d’autres détails tout aussi hallucinants. Arrivé comme un cheveu sur la soupe alors que la tête du bébé était bien visible déjà.... 😱🤮😥 Ce n’est pas la première fois que ce médecin a ce genre de propos. Il n’a probablement toujours pas compris ce qui se cachait derrière le cri d’une femme qui accouche. Il n’a toujours pas compris non plus les besoins essentiels d’une femme qui accouche. Il n’a toujours pas compris la femme tout court, malgré son métier de gynécologue obstétricien et des dizaines d’années de pratique. Qu’est ce qui se cache derrière le cri ? La douleur bien sûr. La douleur physique du périnée qui tire, qui chauffe, qui brûle parfois. Ce fameux cercle de feu décrit par certaines mamans. Le cri est naturel et réflexe quand on a mal quelque part ! Il est normal ! La peur surtout. La peur de perdre sa pudeur, de livrer son corps tout entier, son intimité la plus profonde, à son conjoint et à des parfaits inconnus. La peur que ça se déchire. La peur que son bébé reste coincé. La peur de ne pas y arriver. La peur de se dire que son corps ne peut pas, ne va pas, résister à une telle intensité. La peur de ne plus avoir de force. La peur de la mort. La peur de ce bébé qui arrive et qui va tout chambouler. La peur de la vie de famille agrandie. La peur de ne plus pouvoir faire marche arrière. La peur de ne pas être à la hauteur. La peur de la femme, de la mère qu’on est en train de devenir. La peur de ce lâcher prise ultime qui va lui permettre de donner naissance à son bébé. Tout le monde crie quand on a peur. La libération aussi. Le cri peut être vécu par la femme comme une libération salvatrice. Beaucoup de mères en témoignent, beaucoup disent que crier leur faisait juste du bien, et qu’elles n’étaient pas en souffrance à ce moment là. Le cri n’était pas à ce moment là une manifestation de la douleur, mais plutôt la libération d’un trop plein d’énergie. Crier pour justement éviter d’avoir mal. Crier pour s’encourager, décupler sa force, sa puissance. On crie bien dans le sport, le tennis, le foot et j’en passe. Il y a d’ailleurs même des cultures où il « faut » crier à l’accouchement, même si la péridurale fonctionne bien ! Tel un rite d’accouchement. Et alors ? En quoi est ce gênant ? Le relâchement. Il y a un réel lien entre le relâchement de la bouche et celui du périnée lors de la poussée. Bouche ouverte = périnée ouvert ! Plus on est crispé, plus ça fait mal... Le cri a toute sa place dans cette dernière phase de l’accouchement. Crier pour détendre le périnée et éviter cette sensation de brûlure. Crier pour justement ne pas avoir mal. Et tant d’autres raisons... Un deuil pendant la grossesse, la perte antérieure d’un enfant, d’un parent. Un traumatisme lors d’une naissance précédente. L’histoire d’une naissance compliquée dans l’entourage. ... Laissons les femmes crier si elles en ont besoin. Arrêtons de leur faire croire que c’est honteux, dégradant, humiliant, d’enfanter en criant. Respectons ce cri. Le cri à l’accouchement existe depuis que le monde est monde. L’accouchement est bruyant depuis la nuit des temps. Le bébé crie en naissant. Est ce pour autant qu’on lui colle une main sur la bouche pour préserver nos tympans ? Non, on le prend dans ses bras, on le réconforte, et on est même soulagé qu’il crie. On l’attend comme le messie ce cri, signe d’une bonne adaptation à la vie sur terre. Réconfortons les femmes, trouvons les mots pour leur dire qu’à ce moment là, elles sont belles, puissantes, qu’elles vont y arriver à faire naître leurs bébés. Que c’est normal que ça tire, que c’est normal d’avoir peur, Invitons les femmes à crier, car il y en a tant qui ne le font pas, par honte du jugement qu’on portera sur elles après la naissance. Quel dommage de se priver de ce cri libérateur, qui évite parfois d’avoir mal, ce cri qui peut aire tant de bien ! Détectons aussi la vraie souffrance dans le cri de certaines, où le cri devient une cicatrice ouverte sur une expérience difficile, débriefons de ces accouchements traumatiques, guérissons les femmes. Arrêtons, nous, professionnels de santé, d’avoir peur du cri. « La honte, si tu savais comment j’ai crié... » « Je suis si désolée d’avoir crié... » « La honte, ma femme, tout le couloir l’a entendue... » Cette phrase là je l’ai tellement entendue. Même les pères ont parfois honte de leurs femmes qui crient ! Horreur... Pourquoi avoir honte ou être désolée ? On a honte parce que la société nous maintient et nous conforte dans cette honte. Parce que les personnes sont sans cesse dans le jugement. Parce qu’on a peur du cri, qu’on ne sait pas comment réagir face à lui. Parce qu’il « faut » être belle et silencieuse pour accoucher, qu’il « faut » être en position gynéco, être propre, soignée, souriante et presque soumise. La femme qui crie en enfantant est tout aussi belle que celle qui ne crie pas. Laissons juste les femmes faire ce qui est juste pour elles. Je mesure la chance d’avoir été entourée de sages-femmes, entourantes et bienveillantes lors de mes grossesses et des naissances de mes enfants. L’une d’elle m’avait même dit en toute fin de travail « tu sais Pauline, pour mon deuxième bébé, j’ai crié et ça m’a fait tellement de bien....». Telle une invitation. Quelle chance d’avoir croisé et de croiser encore la route de gynécologues, à l’écoute, empathiques, merveilleux. Il y en a plein ! Merci à eux. Ne les oublions pas. Ça n’a pas de prix de pouvoir travailler avec des collègues bienveillants. La vraie honte, ce sont ses propos. J’ai honte pour lui. Comment se comporterait il s’il était nu, à 4 pattes sur une table devant 3 personnes inconnues, constipé depuis une semaine, et réduit à pousser un gros melon hors de son rectum avec un médecin (ou pire une sage-femme, lui qui les déteste tant !) qui lui multiplie les touchers rectaux ? Qu’il se le dise et qu’on se le dise : le cri est universel et intemporel. À nous les femmes de ne pas nous laisser faire. À nous de reprendre le pouvoir. 💪 Stop aux violences obstétricales.